Maternelle: 2021 année de tous les dangers!
Maternelle: 2021 année de tous les dangers!
Le Ministre Blanquer veut changer les programmes de maternelle de 2015. La Cgt-Educ’Action avait porté à l’époque un regard favorable sur ces programmes. Blanquer, continue sa politique de casse du Service Public. La Cgt-Educ’Action entend combattre cette politique réactionnaire.
Nous publions une série de contributions de militant-es de la Cgt-Educ’Action sur ce thème.
Contributions de militant-es de la Cgt-Educ’Action -1-
Enseignant en grande section de maternelle depuis maintenant une bonne vingtaine d’année, je dois dire que j’avais accueilli plutôt favorablement les programmes de 2015 . En effet, y étaient affirmées la nécessité du plaisir de l’apprentissage, la reconnaissance de rythmes d’acquisition différents selon chacun et la notion de progrès, l’importance primordiale du jeu pour le développement cognitif des jeunes enfants ( on avait presque oublié cette évidence) et le quasi renoncement aux fiches de « travail » (Ouf !!! Restait à expliquer aux parents que leur enfant pouvait travailler, progresser sans que cela ne se traduise par une production quotidienne de « fiches ».)
Enfin, pour être honnête, je crois que nombre d’entre nous n’avaient pas attendu les programmes de 2015 pour s’attacher à d’abord faire aimer l’école aux enfants. Nous essayions déjà de rendre nos enseignements les plus ludiques et les plus plaisants possibles car nous savions que c’était là la condition première de leur efficacité. De même, l’idée me semblait faire consensus que ,pour apprendre, progresser se construire et devenir, avoir une bonne estime de soi est indispensable .Nous avions aussi, je crois, le sentiment diffus que si les nombreuses fiches collées dans les cahiers des enfants n’avaient peut être pas fait réellement progresser ces derniers, au moins permettaient elles de rassurer les parents quant à notre « sérieux « .
Bref ! En 2015, ma patience payait enfin !!! Je pouvais continuer à enseigner comme je le faisais déjà tout en m’affranchissant de ces fiches imbéciles . Et tout cela le cœur léger, surpris d’être enfin un peu conforme à la mode ministérielle.
Aujourd’hui, comme hier, je m’efforce donc à créer les situations d’apprentissage qui permettront à mes élèves d’acquérir plus tard les outils nécessaires à leur indépendance, à la capacité à porter une réflexion critique et à la construction de leur citoyenneté.
Je crois que c’est parce qu’il est confronté à des situations où la maîtrise de certains outils ( lecture, écriture, logique…) s’avère utile que l’enfant sera porté à développer ces derniers. Ainsi en va-t-il, de la lecture ( dernière lubie ministérielle ). L’apprentissage systématique visant à la maîtrise du code ne rendra probablement pas les élèves lecteurs ( j’en veux pour preuve, nombre de gens de ma génération qui, ayant étudié le grec ancien au collège, sont capables de le lire couramment tout en dansant le sirtaki mais sans n’y rien comprendre ). En revanche, il y a fort à parier que, pour les enfants rencontrant des difficultés, cet apprentissage aride et ardu, hors-situation vraie , n’entraine une aversion pour la chose écrite.
Il me semble que, pour que les enfants acquièrent ces outils indispensables à leur indépendance et à leur liberté, que sont la maîtrise de la lecture et de l’écriture, il faut avant tout rendre ces dernières utiles sinon nécessaires. Donc, multiplier les situations d’apprentissages où les enfants seront amenés à communiquer avec des tiers absents, à conserver par l’écrit des récits de situations ….
Contributions de militant-es de la CGT Éduc’Action -2-
Témoignage sur l’école maternelle en 2020
Je suis enseignante en maternelle depuis septembre 2000. En 20 ans,j’ai assisté à son évolution : ses missions se sont enrichies et diversifiées car elle a dû s’adapter aux élèves.
En 2020, l’école maternelle est une école inclusive qui accueille tous les enfants, quel que soit leur handicap. Pour les situations les plus compliquées, la maternelle sera la seule école que les élèves fréquenteront car ils devront ensuite être orientés en IME ou en ITEP. La maternelle s’adapte à ces élèves en mettant en place des activités, des emplois du temps appropriés, en travaillant en liaison avec des professionnels de la santé.Elle guide les parents dans le choix de l’orientation.
En 2020,la maternelle détecte mieux les situations de handicap. Elle accompagne les parents dans la prise de conscience, les oriente vers les professionnels qui pourront poser un diagnostic, les aide dans la mise en place des suivis extérieurs nécessaires à l’épanouissement et au développement de leur enfant.
En 2020, les écoliers peuvent entrer à l’école sans être propres. La maternelle accompagne les parents dans l’apprentissage de la propreté à la maison, en faisant le lien avec la PMI si nécessaire.
En 2020, on parle moins à la maison car chacun est devant son écran. Or pour savoir parler, un enfant a besoin qu’on lui parle. L’école maternelle doit palier à ce manque d’échange au sein des familles. Les enseignants de maternelle veillent donc à communiquer avec chacun de leurs 30 élèves aussi fréquemment que possible. Ils mettent en place des activités de langage variées et nombreuses.
En 2020, ces mêmes écrans remplacent également à la maison les jeux en extérieur, les jeux de construction qui favorisent le développement de la motricité globale et de la motricité fine. L’enseignant de maternelle de 2020 s’est adapté et met en place beaucoup plus de situations de manipulation qu’en 2000. Un enfant qui n’a pas manipulé aura des difficultés pour écrire, découper, coller, mais aussi pour passer à l’abstraction.
L’école maternelle de 2020 n’est plus celle de 2000. Les programmes actuels (2015) ne sont pas parfaits mais tiennent compte de la réalité du terrain, de la nécessité de s’adapter aux élèves d’aujourd’hui. Vouloir cantonner l’école maternelle à la seule transmission des savoirs fondamentaux, c’est nier la réalité, c’est laisser de côté de nombreux élèves qui arrivent à l’école sans maîtriser les prérequis aux apprentissages fondamentaux.
En 2020, ce dont a besoin l’école maternelle:
C’est une véritable diminution du nombre d’élèves par classe pour mettre en place plus de situations de langage et de manipulation.
C’est de plus d’AESH, d’enseignants spécialisés, d’enseignants surnuméraires pour prendre en charge les élèves à besoins particuliers.
C’est de plus de psychologues, de médecins scolaires pour guider les enseignants dans leur accompagnement des élèves à profils particuliers et aider leurs parents souvent démunis.
Ce sont ces moyens supplémentaires qui permettront à la France d’obtenir de meilleurs résultats aux évaluations internationales et non des changements de programme.
Contributions de militant-es de la CGT Éduc’Action -3-
Enseignante depuis 1983 et fille d’enseignants, je suis tombée dans la pédagogie Freinet lorsque j’étais enfant. C’est donc naturellement que j’ai choisi cette pédagogie, étant incapable de « faire classe » autrement…
J’ai aussi, naturellement privilégié les classes multi âges dans lesquelles ont connaît les enfants, on les suit sur plusieurs années, on se donne le temps…
J’ai travaillé en cycle 1 et cycle 2 essentiellement et me voila de retour en maternelle depuis 2015, date des derniers programmes qui, je dois le dire, sont assez proches de ce que nous préconisons dans nos classes du mouvement Freinet, avec, cerise sur le gâteau, le cahier des réussites que nous sommes nombreux/ses à avoir mis en place bien avant 2015 pour suivre les progrès des enfants à leur rythme.
Et voila que l’on nous propose de nouveaux programmes pour ma maternelle qui ne tiennent absolument pas compte de la réalité d’un enfant de ce cycle et veulent, non pas préparer au CP, mais aux ÉVALUATIONS du CP !! On croit marcher sur la tête…
Déjà nos collègues de cycle 2 avaient vus leur marge de manoeuvre réduite dans le choix de méthode de lecture avec le « petit livre orange », et la plupart contraints à une entrée en résistance, mais maintenant, si le CSP est approuvé, nous allons nous retrouver dans l’illégalité la plus totale et les mouvements pédagogiques proches de l’école aussi… Peu à peu la liberté pédagogique nous est retirée pour forger des enseignants bien obéissants et dans le moule, il va nous falloir être très, très vigilants !
Laisser la vie entrer en classe, tenir compte de ce que l’enfant est ou apporte, de ses émotions et de ses appréhensions, tout cela ne sera plus possible…
De plus ce nouveau texte ne dit rien de l’éducation artistique, ni de la motricité, deux domaines qui tiennent pourtant une part prépondérante dans le développement premier de l’enfant.
Voici ce que nous trouvons dans la note de propositions :
. « En 2014 et en 2015, l’élaboration de ce programme était guidée par une vision générale de l’enfant mettant l’accent sur son développement comportemental et psycho-cognitif. La loi rendant obligatoire l’instruction dès l’âge de 3 ans invite à reconsidérer ses priorités et ses finalités, et à veiller à la construction progressive, mais effective des apprentissages. »
Il est vrai que jusqu’à présent nous ne faisions que de la garderie et que tout le travail fait en classe ne servait à rien !
Et il est vrai aussi que du fait de la scolarité obligatoire, les enfants entrant à l’école maternelle seront devenus dès 3 ans des enfants prêts à entrer dans des apprentissages de cycle 2 sans passer par le développement comportemental et psycho-cognitif leur permettant d’être plus sécures pour aborder ses apprentissages…
« Un groupe de travail constitué en son sein se penche particulièrement sur la petite enfance et sur les conditions métacognitives qui favorisent, dès le plus jeune âge, les apprentissages fondamentaux, la lecture et l’écriture, mais aussi les mathématiques. »
Etude de la langue et mathématiques, voila ce qui attend nos élèves de 3/6 ans ainsi que bien sûr, « l’importance d’évaluer les enfants dès l’école maternelle, notamment au moyen de livrets de jeux. » et ceci dès 3 ans !
On peut aussi lire : « qui fixe, pour chacune des trois années du cycle, les objectifs à atteindre conditionne la mise en oeuvre de cet enseignement. « Voici encore une atteinte aux cycles, qui permettent aux enfants d’évoluer à leur rythme durant les 3 années d’école maternelle, les voila déjà dans des cases s’ils n’ont pas les attentes de fin de Petite Section… Et l’avantage des classes multi âges nié lui aussi. On redécoupe et on Il est aussi quelques passages dans le texte qui personnellement me font penser à des heures sombres de notre histoire (mais je dois voir l’esprit malsain) : « Cette langue, facteur de cohésion nationale et de rayonnement culturel, constitue le socle de son identité en France et dans le monde. Vecteur d’échanges et de culture, elle joue un rôle primordial dans le parcours de formation et l’insertion sociale et professionnelle des individus. La langue française est, en effet, au coeur du pacte républicain. «
Tout comme : « . Ce sont là tous les enjeux de cet apprentissage et de la perspective qui s’ouvre à chacun : gagner un peu de pouvoir sur le monde et sur les autres. » J’avoue que je ne comprends pas… Le retour de la compétition dès 3 ans ? Pas pour moi !
Je ne m’attarderais pas plus sur les mathématiques, avec un paragraphe entier qui nous demande de travailler sur le positionnement des nombres sur la ligne numérique (pour réussir l’exercice aux évaluations du CP)
Je ne veux pas enfermer les enfants de ma classe dans une école-prison où on n’apprendrait qu’à réussir des évaluations. Je veux pouvoir continuer à sortir dans mon coin de forêt et travailler les langages pendant et après ces sorties, à peindre et à bricoler, tout en construisant une culture de classe à partir des productions des enfants, à aller au musée, à danser, à chanter, à PARTAGER, à rire…
Notre école maternelle doit rester celle de l’enfance et de la « bienveillance », des premières découvertes et d’une socialisation sereine.
Un enfant de 3 ans a besoin de toucher, d’expérimenter, de créer, de tâtonner… pas de passer son temps à être évalué et réévalué, pas de se voir voler son enfance…
Contributions de militant-es de la CGT Éduc’Action -4-
Au moment où se profilent de grands bouleversements de l’école maternelle, c’est le moment de s’interroger sur sa place dans le système éducatif.
Dans notre école, nous avons mis à profit les programmes de 2015. Priorité au langage, à la socialisation, au jeu. Beaucoup de manipulations, de projets divers et variés. Par exemple, cette année, un projet musique et un autre sur les arbres, nous permettent d’aborder de nombreuses compétences, et de faire progresser tous les élèves, même les plus en difficulté, à leur rythme.
Depuis les programmes de 2015, la grande section est rattachée uniquement au cycle 1 et n’est plus à cheval avec l’école élémentaire. Plus question de faire un mini CP en grande section. Ceci est pour nous une bonne chose.
Hélas, la nouvelle note du CSP (conseil supérieur des programmes) nous inquiète considérablement: la maternelle perdrait son sens et ne servirait plus qu’à préparer des évaluations pour le CP.
Pire encore, des évaluations, dès la petite section de maternelle, verraient le jour. Évaluation, évaluation, évaluation. Mais pour quoi faire ? Pour mettre les écoles en concurrence les unes avec les autres ? Pour inquiéter les parents d’élèves dont les enfants seraient notés ? Pour constater la faiblesse du niveau éducatif ? Et si les résultats sont mauvais, réduira-t-on le nombre d’élèves par classe afin de pouvoir améliorer le langage de chacun ? Malheureusement, ce ne semble pas être la logique choisie. Au contraire, dans cette course aux indicateurs, et ce dès 3 ans, nous voyons se profiler des enfants et des familles de plus en plus en détresse. Pour rehausser les statistiques, les missions éducatives des professeurs d’école sont amoindries au profit des tâches administratives, avec des conséquences contre-productives.
Nous sommes inquiets de voir ce texte jeter, non seulement à la poubelle ces cinq dernières années, mais surtout casser un aménagement de la maternelle qui ne fonctionnait pas si mal. Cette réforme est poursuivie par cette croyance absolue en la performance par la multiplication des évaluations et autres indicateurs. Pourtant faudrait-il leur rappeler, à ces technocrates qui ont perdu de vue les missions et le rôle de l’Éducation Nationale, que les évaluations ne sont pas une finalité et que cette logique managériale est en train, non seulement d’accentuer les inégalités scolaires entre les familles, mais aussi tirer tout le monde vers le bas.
La maternelle devient un cycle à part entière et non plus à cheval avec l’école élémentaire. La grande section n’est donc plus un « petit CP ». Priorité est donnée au langage, à la socialisation et au jeu.
La consigne principale est de perdre cette mauvaise habitude qui consiste à faire de la grande section de maternelle un « petit CP ».
Ne pas leur apprendre à lire et écrire à tout prix. Il va donc falloir que les enfants passent moins d’heure assis derrière un bureau, un papier et un crayon à la main. L’idée est d’arrêter de faire la course à la lecture. Selon les experts, cette volonté d’apprendre à l’élève à lire et écrire le plus tôt possible, place certains d’entre-deux en situation d’échec, et ce dès la maternelle.
Les programmes de 2015 ont enfin recentré la maternelle sur elle-même, la grande section de maternelle étant dans le cycle 1 uniquement.
Priorité est donnée au langage, à la socialisation et au jeu. Beaucoup de manipulation et d’apprentissages dans un climat serein pour tous. Les évaluations positives, centrées sur l’enfant, permettent de ne pas mettre trop de pression aux parents.
Faut-il croire que maintenant tout s’effondre. Va-t-on vers un grand retour en arrière avec des évaluations dès la petite section ?
Je ne comprends pas bien sous quelle forme. Si c’est pour nous dire que nos élèves ne parlent pas et qu’il faut mettre des moyens, moins d’élèves par classe, des maîtres spécialisés, des aides éducateurs comme on en avait il y a encre quelques années, quelle chance. Mais hélas, cela ne va servir qu’à mettre en concurrence les écoles et à mettre au pas ces enseignant-es de maternelle qui ne plient pas, …