LSU: un dispositif dangereux
Contrairement à la propagande du ministère, le LSU est loin d’être un outil neutre au service des élèves,
des parents et des professeur.e.s.
Ce dispositif est dangereux, il faut le combattre !
Qu'est-ce que le LSU ?
Le ministère souhaite mettre en place un livret scolaire unique numérique censé simplifier les outils de suivi des élèves en les uniformisant et les rendre plus accessibles aux familles. Couplé au logiciel de gestion des élèves « Base élèves 1er degré » et aux bases élèves des établissements du second degré, ce livret scolaire unique numérique regroupe dans une même application :
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les bilans périodiques et de fin de cycle ;
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des attestations diverses (prévention et secours civique, sécurité routière, savoir nager) ;
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des éléments de suivi des élèves en difficulté ou à besoins particuliers : indication des PPRE, des suivis par le RASED, des PAI, des passages en ULIS et UPE2A, des notifications MDPH,
etc. ;
L’ONU est contre le LSUN !
« Le Comité reste préoccupé par la multiplicité des bases de données destinées à recueillir, stocker et utiliser les données personnelles d’enfants sur de longues périodes ainsi que par le fait que les enfants et leurs parents ne sont pas suffisamment informés, par les autorités éducatives, de leur droit de s’opposer à l’enregistrement de données personnelles, ou d’accéder à ces données, de les modifier ou de les supprimer [...] Le Comité recommande une fois de plus à l’État partie de ne saisir dans les bases de données que des renseignements personnels anonymes [...] ».
Comité des droits de l'enfant des Nations Unies, janvier 2016 (observations finales 36 et 37 sur le respect de la vie privée du 23-02-2016) . |
• au collège, des éléments relatifs à la vie scolaire (absences, retards, respect du règlement…) alors même que la note de vie scolaire a été supprimée !
Ce LSU s'inscrit dans la même logique que le livret personnel de compétences (LPC), que nous avons combattu et qui a peu à peu été abandonné dans la pratique, mais en pire puisqu'il contient des données personnelles, hautement sensibles ! Et plus encore : numérisé et accessible par un nombre important d'institutions (police, justice, mairie), il répond à une volonté de fichage et de contrôle des élèves et futur.e.s travailleuses et travailleurs.
Il contient les données les plus confidentielles qui avaient été retirées de Base Elèves suite à la mobilisation citoyenne. Ces données touchent à la santé, au suivi psychologique, à l’éducation spécialisée et apportent des informations sur les élèves arrivés en France. Le recensement numérique de ces données est en totale contradiction avec la Convention internationale des droits de l’enfant.
Un casier scolaire au service du fichage et de la « traçabilité » des élèves
Ce livret participe de la constitution d’un véritable casier scolaire, au service de la normalisation et du profilage des élèves, chère à cette société néolibérale, pour laquelle seul ce qui est quantifiable et mesurable compte. Le but de ce nouvel outil est clair : évaluer, trier et ficher les élèves pour mesurer les compétences qu'ils ou elles pourront monnayer sur le marché du travail. C’est pour nous totalement inacceptable et parfaitement révélateur d’une volonté d’instrumentaliser l’école pour formater les élèves selon des critères d’employabilité définis par le patronat. Les données seront bientôt mises à disposition des employeurs et des organismes financeurs de formation. Ajouter à cela la mise en place de grand marché européen du travail où chacun.e est censé.e se vendre sur la base de ses compétences, seul.e contre tous . C’est un nouveau pas vers la disparition des diplômes. Or, plus de diplôme, plus de négociation salariale collective. Les négociations seront individualisées et, avec l’inversion de la hiérarchie des normes instaurée par la loi « travail », c’est une nouvelle étape de la casse du code du travail et de la protection des salarié.e.s. En outre, couplé à « Base élèves/ONDE » dans le 1er degré et aux autres outils de gestion des élèves dans le 2nd degré, le LSU constituera un puissant outil de contrôle social.
Les données enregistrées dans les fichiers scolaires sont en effet accessibles :
• aux maires, à la police et à la justice sous couvert du « secret professionnel partagé » instauré par la loi sur la prévention de la délinquance du 5 mars 2007 ;
• aux préfets en application du « droit de communication » instauré, hors secret professionnel, par la loi du 7 mars 2016 relative aux droits des étrangers en France ;
• et potentiellement à toutes les administrations par interconnexion de fichiers, en application de la loi de simplification et d’amélioration de la qualité du droit du 17 mai 2011 qui a ouvert la boîte de Pandore
NON au fichage généralisé des élèves !
Ce fichage est contraire à la Convention internationale des droits de l'enfant et a une nouvelle fois été reproché à la France par le Comité des droits de l'enfant des Nations Unies en janvier 2016 . Des données sensibles sont renseignées : compétences, résultats scolaires, comportement, assiduité ainsi que des éléments d'ordre médical, relatifs à l'origine des élèves ou sur le handicap. Le droit à l’oubli n’existe plus. Le dossier scolaire qui était la propriété de l’enfant et de sa famille devient la propriété de l’État. Déontologiquement tenus à la confidentialité et à la non-stigmatisation, les enseignants peuvent-ils contribuer à un tel fichage ?
NON au déterminisme et au contrôle social !
Le fichage commence dès la maternelle par 18 compétences évaluées en grande section, intégrées dans une « synthèse des acquis scolaires de fin d’école maternelle » (bientôt accessible en ligne) et sera poursuivi toute la vie avec le compte personnel de formation (CPF) et le compte personnel d’activité (CPA) depuis la loi travail de 2016. Obligatoire du CP à la 3ème, le LSU alimentera les procédures de plus en plus automatisées qui, en toute opacité, servent depuis quelques années à organiser le système éducatif et à échanger des informations avec d'autres administrations. Il alimentera notamment AFFELNET pour l’orientation des élèves à partir d’un algorithme, sans aucune intervention « humaine » telle qu’un jury.
Au Conseil supérieur de l'Éducation du 15 octobre 2015, le MEDEF s’est réjoui de la mise en œuvre du LSU « car il permet d'améliorer la traçabilité des élèves qui sortent du système scolaire ». Il s’agit en effet d’un véritable livret ouvrier informatisé. Créé pour le patronat, il évalue des compétences destinées à être monnayées sur le marché du travail, instaurant une logique de compétition entre les élèves, dès la maternelle. Il permet de personnaliser les parcours scolaires, ce qui conduira à individualiser les diplômes et remettra en question leur valeur sur le marché du travail, faisant peser une grave menace sur les conventions collectives.
Non au formatage pédagogique !
Dans la lignée du LPC, du socle commun et des évaluations nationales, le LSU tend à formater nos pratiques pédagogiques en favorisant une évaluation individuelle de connaissances ou de compétences calibrées, mesurables facilement. Il est inadapté aux pratiques coopératives, aux pédagogies nouvelles ; Il transforme l’enseignant en « contrôleur de conformité » et l’enfant en « somme de compétences ». C’est absolument contradictoire avec la « bienveillance » des programmes .
Non à un outil chronophage et à la logique de management dans l’éducation !
Comme l’ensemble des dernières mesures imposées dans l’éducation, le LSU est mis en place dans la précipitation et génère des difficultés opérationnelles. Il ne simplifie absolument pas la tâche des enseignants et il est illusoire de penser qu’il va résoudre les problèmes structurels... C’est un nouvel outil de management, piloté par le chef d’établissement ou par le directeur d’école, qui peut être l'occasion de renforcer le rapport hiérarchique, d'exercer des pressions et de contrôler les professeurs : périodicité et nombre des évaluations, compétences évaluées, progrès attendus des élèves, suivi du programme, contrôle renforcé via les Espaces Numériques de Travail (ENT)...