Baisses d’impôts records pour les entreprises françaises

Baisses d’impôts records pour les entreprises françaises

« Les entreprises françaises sont les plus taxées du monde » : cette ritournelle est répétée jusqu’à l’écœurement par le gouvernement, le patronat et les économistes libéraux·les sur tous les plateaux pour défendre leur modèle néolibéral. Mais qu’en est-il vraiment ?

finances publiques

Les plus taxées… vraiment ?

Si les données de l’OCDE et de l’Insee confirment que la France est le pays dont le taux de prélèvements obligatoires est le plus élevé respectivement des pays de l’OCDE et de l’Union européenne, elles ne tiennent pas compte de plusieurs facteurs qui viennent contrebalancer cet état de fait :

les données incluent tous les prélèvements obligatoires payés en France, or deux tiers d’entre eux sont supportés par les ménages ;

il est impossible de comparer les prélèvements obligatoires sur les entreprises entre pays européens, car les systèmes socio-fiscaux sont trop différents d’un pays à l’autre ;

les données ne tiennent pas compte des aides publiques versées aux entreprises, qui compensent en partie les prélèvements obligatoires qu’elles doivent verser. Pour rappel, leur montant est passé de 11,6 milliards d’euros (3 % du PIB) en 1979 à 203,2 milliards d’euros (7,2 % du PIB) en 2023 ;

indirectement, les sociétés bénéficient d’une partie des services et infrastructures financés par les prélèvements obligatoires (dépenses de formation professionnelle, dépenses de santé qui améliorent la productivité des travailleur·ses, infrastructures de transport, d’eau et d’électricité qui facilitent le commerce…).

La plus forte baisse des prélèvements obligatoires d’Europe

Une comparaison pertinente des niveaux de prélèvements obligatoires entre les entreprises de l’Union européenne nécessite d’y soustraire les aides publiques qu’elles reçoivent. C’est ce qu’a fait Anne-Laure Delatte, directrice de recherche au CNRS, dans une note de blog d’Alternatives économiques en 2023.

Elle démontre ainsi que les entreprises françaises sont celles qui ont vu leurs impôts nets des aides diminuer le plus fortement en Europe sur les trente dernières années. En moyenne, les prélèvements français ont baissé de 0,8 % chaque année depuis vingt-cinq ans, tandis qu’ils augmentaient de 1 % par an chez nos voisins européens sur la même période.

Une étude plus récente d’Anne-Laure Delatte et Aïmane Abdelsalam, chercheuses en économie au Centre lillois d’études et de recherches sociologiques et économiques (Clersé), a depuis confirmé ces premiers résultats. L’écart des prélèvements obligatoires nets des aides entre les entreprises françaises et la moyenne européenne est ainsi passé de 4 points de PIB en 1996 à 1,4 point en 2023. Cette baisse des impôts nets des aides s’est accélérée sous le quinquennat Macron, dont les mesures en faveur des entreprises représentent 40 milliards d’euros par an depuis 2017 :

baisse de l’impôt sur les sociétés de 33 % à 25 % : 16 milliards d’euros par an ;

baisse des impôts de production : 19 milliards d’euros par an ;

extension du CICE avant son remplacement par des exonérations de cotisations sociales : 5 milliards d’eurospar an.

Une politique de l’offre inefficace

Les cadeaux fiscaux offerts aux entreprises ces dix dernières années n’ont pas les effets escomptés… bien au contraire :

la baisse des taux de prélèvements obligatoires a entraîné une hausse du déficit et de la dette publics, instrumentalisée par le gouvernement pour détruire toujours plus nos services publics et notre système de protection sociale ;

les baisses d’impôts ont aussi renforcé les inégalités : elles n’ont pas eu d’effet sur la croissance économique puisque qu’elles ont été en grande partie épargnées par les ménages les plus aisés et les grandes entreprises ;

alors que la production manufacturière augmentait de 1 % par an en moyenne entre 1999 et 2017, sa croissance a été divisée par deux depuis le début du premier quinquennat – alors que ces mesures visaient in fine une réindustrialisation de la France par la relance de la compétitivité et de l’attractivité…

Les entreprises françaises ne sont pas trop taxées, elles sont au contraire gavées d’argent public (plus de 260,4 milliards d’euros de soutien financier total d’après un rapport de la Cour des comptes de juillet 2023). Alors que des dizaines de milliers d’emplois sont menacés en France par plus de 300 plans sociaux, il est primordial :

de conditionner les aides publiques à des critères sociaux, environnementaux et d’égalité ;

de contrôler l’utilisation des aides publiques et d’imposer des contreparties obligatoires ;

d’investir dans les services publics plutôt que d’alimenter un modèle économique injuste et inefficace.

Pour aller plus loin : Mémo éco – Entreprises françaises : des baisses d’impôts records