Conseil Scientifique
Le conseil scientifique : nouvel outil de la bataille idéologique de Blanquer
Vouloir formater les enseignant-e-s et/ou les contraindre à tous fonctionner selon la ligne politique définie par les ministres successifs n’est pas nouveau ; c’est un fondement de l’Ecole de Jules Ferry. User de pression, de contraintes, de contrôles tatillons ou menaçants ne l’est pas non plus, les Allègre, Fillon, De Robien et suivants nous y ont habitué-e-s. En ce sens, l’initiative du ministre Blanquer de créer un conseil scientifique pour décider, à la place des pédagogues, ce qu’il est bon de faire en classe n’est pas originelle, elle est la suite de ce que faisaient ses prédécesseur-se-s.
Mais, s’il n’y a pas de changement de nature, il y a un changement de braquet. L’ampleur de la mesure est sans commune mesure et ce pour deux raisons essentielles.D’une part, le conseil aura un rôle central dans la métacognition (apprendre à apprendre) ; il est conçu comme l’organisme qui sait. Il réalisera des évaluations et de véritables protocoles à suivre en classe ; il "donnera aux enseignants les moyens de calibrer et d'adapter leur enseignement à leur situation" ; il mettra en place des formations et enfin donnera des directives pour la composition des manuels afin, par exemple, de préciser l’ordre des apprentissages. C’est d’abord cela qui attire l’attention et fait réagir; le « café pédagogique » s’est fendu d’une diatribe à la hauteur des dangers.
En premier lieu, tout cela est aberrant (sidérant, dit le Café) ; c’est à croire que Stanislas Dehaene, le chef du nouveau conseil, pense que la démarche d’apprentissage est totalement mécanique : du pur scientisme !
Ensuite, c’est faire de nous de simples exécutants sans pensée de protocoles décidés ailleurs : le summum de l’instrumentalisation des enseignants.
D’autre part, ce conseil est un repaire de réactionnaires. Onze sur vingt-deux, soit la moitié, sont des « cognitivistes » et les autres, pour la plupart, sont des partisans d’une scientisation des apprentissages, d’appliquer des techniques qui fonctionneraient. Dehaene, le chef est la personne qui a décidé que la science avait définitivement tranché : il a vu dans le marc de café du cerveau que l’on apprenait à lire en détachant et assimilant les lettres et non en reconnaissant des mots ; quelle explication alors pour les lecteurs antérieurs aux alphabets ?
Et pour les lecteurs d’idéogrammes, indivisibles ? Le pompon est atteint avec Liliane Sprenger-Charolles, l’égérie du b-a ba des années 80, que l’on a ressorti pour la glisser dans le conseil scientifique.
Cette mainmise de « scientifiques » qui nient la pédagogie, ne voient de développement de l’enfant qu’individuel, est partie de la bataille idéologique plus générale que les réactionnaires mènent pour enterrer toutes les références progressistes.
La CGT Educ’Action condamne et combattra ce conseil scientifique, tant dans son rôle de prescripteur que sur le fond.