En réaction à la proposition de Christian Estrosi
La proposition lancée par Christian Estrosi rend visible l’immense confusion autour de la notion de laïcité. Elle doit également aiguiser notre méfiance, concernant la tendance de certains responsables politiques à saisir toute occasion tragique pour justifier rétrospectivement des mesures qu’ils avaient prises avant, comme si leur bien-fondé était soudain confirmé par les drames survenus qu’elles étaient censées prévenir.
Par quel genre d’association d’idée peut-on être conduit à penser que la laïcité à l’intérieur de l’école relève du travail des forces de l’ordre ? Qu’est-ce que les forces de l’ordre pourraient faire que les personnels travaillant dans l’enceinte de l’éducation nationale ne pourraient pas faire ? En faisant cette proposition, Christian Estrosi dé-saisit ces personnels de l’autorité que le policier se trouve soudain le seul à représenter, comme si le droit à l’usage de la contrainte physique était en dernière instance la seule forme de l’autorité légitime. C’est symboliquement très grave, parce que l’autorité du personnel enseignant et de toutes les personnes qui travaillent dans l’éducation nationale doit se loger ailleurs que dans l’exercice d’une telle contrainte.
Ce n’est pas simplement que la laïcité n’est pas un sujet simple ; elle concerne soit quelque chose qui n’a rien à voir avec l’école – le régime des cultes – soit quelque chose de tellement vaste – la charte de la laïcité, qui range à peu près tout et n’importe quoi dans ce terme – qu’on voit mal pourquoi l’ensemble des principes et des interdits qui y sont formulés relèveraient spécifiquement de l’action de la police.
Le raccourci implicite qui est effectué entre contestations doctrinales, populations violentes et surveillance policière, au travers de cette proposition du maire de Nice et président de la Métropole, est précisément l’inverse de ce que l’on cherche à promouvoir par la laïcité, à savoir l’accès à la maîtrise de soi par la discipline que l’intelligence nous permet de conquérir, et non la peur de la répression.
Il ne s’agit pas de dire que le policier n’est pas un représentant légitime de l’autorité, mais de dire que celle que l’école construit n’est pas celle que donne la prérogative de l’usage de la force.
Il est inquiétant de voir que, tout en le critiquant, certain-es représentant-es syndicaux puissent laisser penser qu’une telle solution pourrait être proposée avec l’aval de la « communauté éducative ».