Les Postes à Profil Académique (SPEA) : Ces Superman à Moustache
Préalable n°1 : il n’y a pas de sexisme dans ce titre, juste une admiration pour ce justicier de notre enfance, ce réfugié climatique d’une autre planète, ce déraciné venu sauver la Terre. Puisqu’il me plait, disons aussi que ses adversaires sont les nôtre. Tantôt le directeur du Daily Planet le révère, le plus souvent il devient Retailleau-Ciotiste en fustigeant cet immigré sans savoir qu’il aggrave son cas cet « américain de papier ».
Préalable n°2 : nous ne remettons pas en question la probité des collègues occupant ces postes, ni l’utilité de chaque SPEA, mais bien le système qui permet leur création dans une opacité inquiétante.
Alors de quoi s’agit-il ? Tout simplement de souligner que ces postes, qui dérogent au droit commun en matière de mobilité, nous obligent chaque année à être plus vigilants. D’autant plus que, hélas, ces postes « sur-mesure » ressemblent parfois à des cotes mal taillées. Ce ne sont pas des dizaines de postes qui sont créés chaque année, disons une dizaine, et exceptionnellement une vingtaine cette fois-ci. Mais dans ce lot, il y a toujours un ou deux qui suscitent un vrai malaise. Ce sont ceux-là, le ver dans le fruit. Or, l’équité, la rigueur et l’exemplarité devraient être les pierres angulaires du service public, mais les contre-exemples ne manquent pas.
Les SPEA sont créés (et d’autres supprimés) chaque année, et sont présentés en CSA (Comité Social d’Administration). Ces postes peuvent apparaitre un peu « au bon vouloir » de la Rectrice d'Académie, parfois sans véritable cadre ni règle. D’autre fois oui. Par exemple, certains sont liés à la maîtrise d'une langue pour un enseignant d’une DNL (discipline non-linguistique) voulant enseigner en classe euro. D’autres sont originaux, comme trouver un professeur de cuisine qui parle l'italien pour enseigner la cuisine italienne. On les appelle alors les « moutons à cinq pattes » – des raretés tellement rares qu’on ne les trouve presque jamais. Conséquence de quoi, la carte des formation affiche des promesses qu’on ne sait pas réellement tenir faute de compétence. Enfin, il y a ces postes qui flirtent avec l’absurde.
Mais le vrai problème, c’est que ces nominations se font sans aucun contrôle, si ce n’est celui des IPR et des chefs d’établissement. Car, soyons honnêtes, qui décide vraiment de ce qui est « exceptionnel » ? Or, qui peut juger de l’exceptionnalité d’un poste quand ce n’est même pas clair pour les acteurs de l’éducation eux-mêmes ?
C’est là que se nichent les soupçons de favoritisme et de cooptation, tout au creux de ce poste absurde.
Prenons l’exemple de cette saison 2 d’un poste de CPE dans un grand lycée. Un cas typique. Ce poste, retiré l’année dernière par la Rectrice, après avoir failli être créé, fait aujourd’hui son grand retour, mais « en mieux », paraît-il. Il faut dire que l’an dernier, à la fin des discussions, la « cote mal taillée » ressemblait plus à la serpillière dans « Le Père-Noël est une ordure » qu’à un pull-over « mettable ». Cette nouvelle version promet encore plus de tâches, plus de responsabilités. Plus, plus, plus, à n’en plus finir. En fait, il s’agirait simplement de produire une meilleure organisation du travail pour éviter cela. Bref, de l’exploitation pure et simple. Un poste tellement écrasant qu’il devient rebutant alors même qu’au final celui qui le briguerait n’y gagnerait pas mieux sa vie. Si ce n’est pas Superman, alors peut-être est-ce Wonder Woman qu’on cherche. En tout cas, c’est exactement ce qu’il faudrait pour tenir ce poste. Mais, comme ces personnages n'existent que dans les comics, il n’y a que trois options qui restent. La première c’est la promesse d’un burn-out au début de l’hiver si quelqu’un gagnait la timbale. La seconde c’est que personne ne veut de cette foutue timbale et que le poste resté vacant est occupé par un contractuel dont on ne pourrait jamais exiger de traiter toutes ces responsabilités.
La troisième, la voilà, … Superman avec des moustaches. C’est comme ça qu’on appelle, entre initiés et non sans ironie, ce genre de poste. Un peu comme au jeu « Qui est-ce ? ». Il a des moustaches ? Bien sûr, ce poste est pour Robert, nous avions sa carte depuis le début ! Depuis 2 ans même ! Quelle longue partie ! Vous me direz « tant mieux pour Robert » et ben non « pas tant mieux pour Robert ».
C’est là qu’il faut rester vigilant. Nous ne demandons rien d’autre qu’une gestion transparente, équitable et fondée sur des besoins réels. Les SPEA, tels qu’ils sont parfois utilisés, ressemblent à une mascarade et un dévoiement des règles : des places réservées pour des individus bien spécifiques avec des justifications parfois ridicules. Les règles, celles qui régissent l’Éducation nationale, nous devons y être très attachés. Et tous ! Parce que ça traîne depuis trop longtemps dans le Ministère, et le jour viendra où ils voudront faire de ces dérives la règle commune. C’est une évidence ! Quand on parle de recrutement par le chef d’établissement (cf. les pratiques dans l’enseignement privé sous contrat) ou par le directeur d’école (cf. l’expérience marseillaise), de quoi s’agit-il sinon de laisser ces autorités choisir leurs obligés ?
Quels renoncements à vos droits cela implique-t-il ? Quelles dérives pour l’École de la République ?