STI2D un exemple à ne pas suivre!
Souffrance au travail : faisons le point sur la situation des enseignants de STI2D
1er point : Actuellement l’administration désigne des enseignants pour effectuer des cycles de formation destinés à faire d’eux de futurs formateurs de leurs collègues. L’enjeu de cette formation est très technique : il s’agit d’apprendre à maîtriser un outil pédagogique appelé « ingénierie système ». Il suffit de savoir que la maîtrise de cet outil est indispensable pour les enseignants dans le cadre pédagogique nouveau que la réforme de la filière STI2D a posé. Pour les collègues concernés cette formation, après une première journée de formation en présentiel, prend la forme exclusive de la formation à distance, le fameux « magistère ». Si l’on en doutait, on peut désormais avoir la certitude de ce que signifie « magistère » : c’est le nom donné par l’administration à un dispositif très efficient, comme disent les économistes, c'est‐à‐dire qui mobilise un minimum de moyens pour un maximum de rentabilité. En clair : plus de frais de déplacement, moins de formateurs, et surtout, pas d’absence de l’enseignant. Ce dernier assure ses cours, et, après la classe, en plus du reste, il se forme à distance. Cela signifie donc de facto une augmentation de la charge de travail. Cette augmentation n’est pas reconnue par l’employeur, elle est donc invisible pour lui, c'est‐à‐ dire non rémunérée.
Revendication CGT : il faut exiger, pour ces enseignants actuellement désignés, 1) le principe d’un consentement, donc un droit de refuser ; et 2) dans l’hypothèse d’un consentement, une formalisation institutionnelle du temps de cette formation dans l’emploi du temps de l’enseignant, c'est‐à‐dire, une décharge de service correspondant au temps de formation. Si par exemple cette formation correspond à 2H hebdomadaires,. La façon dont ce principe pourrait être mis en œuvre devra faire l’objet de négociations avec les enseignants concernés, à même de quantifier le volume de travail en question. Mais sur le principe les choses sont claires : magistère c’est du travail dissimulé, et surtout non rémunéré.
2ème point : totale ignorance quant aux heures de formation annuelles, cumulables dans la limite de 120 heures. Ces heures de formation magistère seront‐elles considérées comme relevant du DIF ou seront‐elles effectivement soustraites au volume d’heures de formation auxquelles dans le
cadre de ce DIF ? Si c’était le cas, ce serait une double peine : non seulement cette formation = travail dissimulé et non rémunéré, mais aussi = réduction du DIF. Il faut interroger l’administration sur le statut qu’elle donne à ce temps de formation.
3ème point : la nouvelle pédagogie de la filière STI2D est une pédagogie de projet (sur les disciplines maîtresses de la série bien sûr). Peu importe ce qu’on pense par ailleurs de ce type de pédagogie. Il s’agit surtout de pointer la façon dont l’organisation du travail actuelle, donc l’employeur, s’approprie cette pédagogie au péril de la santé et de la vie des collègues. Il faut ici rentrer dans le détail de leur travail.
Un premier aspect est frappant et on peut aisément envisager la charge de travail délirante qu’il représente.
Les élèves sont évalués à partir d’un projet qu’ils présentent en fin d’année. Ils travaillent par groupes de trois à cinq élèves. La phase du choix du projet se déroule ainsi : l’enseignant doit proposer des projets, les élèves se positionnent et l’enseignant doit ensuite rédiger une présentation de chaque projet pour la soumettre à une commission. Cette phase s’achève lors de la troisième semaine de novembre. Travail considérable et chronométré pour les enseignants : ils doivent envoyer un dossier de présentation tel jour et la commission se tient tel autre jour.
Le dossier est adressé à l’Inspection qui juge de la recevabilité des projets au regard des référentiels du programme. On image la masse de travail : autant de projets que d’élèves, car, bien que le projet soit mené en groupe, il est aussi un enjeu pédagogique individualisé. En outre, ces projets mobilisent un collectif d’enseignant, ce qui suppose ici une socialisation du travail, donc des temps de concertation. Enfin, les projets doivent être innovants, ce qui est normal dans une matière technologique, connectée aux évolutions techniques contemporaines. Impossible donc de refourguer d’anciens projets, et nécessité de reprendre l’ouvrage de zéro chaque année.
Le principe de la spécialisation disciplinaire ( ces projets sont interdisciplinaires) a signifié pour les enseignants, et signifie donc toujours, la nécessité d’une sorte de formation constante à des disciplines qui n’étaient pas leur discipline de recrutement, sous peine de ne plus savoir ce qu’ils enseignent à leurs élèves, ce qui est, pour un enseignant, la pire des postures.
Revendication CGT : les CHSCT ont, à la suite du drame de Pierre Jacques, été saisis du malaise des enseignants de la filière STI2D. Manifestement cette saisie ne s’est traduite par aucune mesure de prévention. Sur le terrain, les collègues sont assommés de travail. Ils développent des stratégies différentes pour s’adapter : certains, résignés, rêvent d’une reconversion, et attendent que ça passe. Ils désinvestissent leur métier. D’autres ne lâchent pas l’affaire, et s’accrochent à un métier qu’ils continuent d’aimer et de vouloir bien faire. Ceux là, l’administration les tient, ce sont ses citrons qu’elle presse sans ménagement. L’administration a bien sûr intérêt à ce que leur souffrance, comme leur travail, reste dissimulée.
Le CHSCT est censé être un outil de prévention, doit briser ce silence et doit rappeler l’obligation de l’employeur en matière de santé, en revendiquant une autre organisation du travail. La question du temps de travail de ces collègues est essentielle. IL faut là aussi, reconnaître dans leur emploi du temps la réalité du travail que l’employeur, sans leur demander explicitement, les oblige pourtant à accomplir.
D’abord en soulignant la nécessité d’inscrire un temps hebdomadaire de concertation collective.
SI une réforme crée une nécessité d’un travail collectif, pourquoi n’a‐t‐elle pas aussi, dans l’organisation du travail, créé les conditions de ce travail collectif ? Par cet oubli elle engendre donc les conditions d’une surcharge de travail et surtout les conditions pour que certains éprouvent le sentiment de mal faire leur travail, ce qui est catastrophique sur le plan sanitaire. Certains de ces collègues ne peuvent travailler qu’avec une béquille médicamenteuse.
Que sait la Médecine de Prévention de ces situations ? Il faut l’interpeller et demander son appui dans cette revendication : officialiser le temps de travail collectif, le reconnaître dans un emploi du temps qui dégrève le temps devant élève d’un temps correspondant à la réalité du temps de concertation (ce temps est à évaluer avec les collègues, ils ont besoin d’au moins deux heures hebdomadaire, et à ce titre, une demi heure de moins dans l’emploi du temps serait très raisonnable, peut‐être faut‐il exiger davantage). Cette revendication doit aussi être adressée au chef d’établissement, sur la même base argumentaire : il doit veiller à la santé des personnels, et il a le pouvoir de déterminer l’emploi du temps. S’il ne prend pas en considération cet aspect il est responsable de ce qui peut arriver.
Cette situation de déni du travail accompli a aussi des effets symboliques négatifs : les collègues se sentent méprisée et niés dans leur dignité. On sait très bien que cette forme de mépris institutionnel n’est pas sans effet sur la santé.
4ème point : la question du matériel.
Dans les établissements d’une certaine taille, les collègues de physique ou SVT peuvent compter sur un laborantin. Sans ce collègue, leur travail serait alourdi de tâches préparatoires indispensables à leur acte d’enseignement. Les collègues de STI2D sont confrontés à de perpétuels problèmes de matériel. Il faudrait prendre le temps d’en faire la liste rigoureuse avec eux, cette liste donne l’impression d’être infinie, tous les jours le problème se pose. La somme de ces problèmes justifie un emploi spécialisé. Tant qu’il n’existe pas, on retombe sur les mêmes problématique de travail fait au quotidien sans être reconnu, et qui vient alourdir un travail déjà trop lourd. Localement des solutions sont peut‐être possibles. Dans certains établissements, on va essayer de négocier qu’une partie du poste d’un collègue qui intervenait sur le secteur professionnel soit officiellement affecté aux classes de STI2D. Mais cette négociation locale n’est valable que localement.
Revendication CGT: la création, pour les filières STI2D, d’un métier dédié à la gestion complexe du matériel. L’argument est toujours le même : reconnaissance du travail réel, et obligation de l’employeur en matière de santé.
5ème point : dans le cadre de la pédagogie de projet, les enseignants ont de nouveaux besoins, en ce qui concerne l’investissement matériel. Dans le quotidien ils ont à faire face eux‐mêmes à ces besoins, et ils peuvent eux‐mêmes être amenés à bricoler certains objets techniques nécessaires aux élèves. On franchit encore un cap dans l’exploitation de ces personnels ! C’est ici la responsabilité du Conseil Régional qu’il faut pointer du doigt au niveau des CA. Les Régions en effet proposent des budgets pour acheter du mobilier : les collègues se saisissent de cette proposition en la transformant pour demander le matériel pédagogique dont ils ont besoin. Là aussi : élaboration de devis, visites aux professionnels qui les distribuent = de nouvelles fonctions, non reconnues et un alourdissement de la charge de travail. Mais surtout, détresse des enseignants qui ne sont pas certains que leur demande sera agrée par la Région, et qui risquent de se débrouiller seuls.
Conclusion : d’une manière générale la situation de la filière des STI2D est très préoccupante et aussi très intéressante.
La réforme du Collège quoi qu’on en pense par ailleurs, avec son idée (stupide pédagogiquement au niveau collège) de projet interdisciplinaire fait penser à la réforme des STI2D. Nous pouvons donc nous appuyer sur ce que nous savons de cette réforme et de ses effets destructeurs sur les personnels pour combattre celle des collèges.