réforme notation enseignants
un article du Monde:
Luc Chatel réfléchit à une réforme du système de notation des enseignants
Toute l'année, ils notent leurs élèves. Cette fois, c'est de l'évaluation des enseignants dont il s'agit. Lundi 6 juin, le ministre Luc Chatel a réuni les syndicats représentatifs des enseignants pour leur présenter un rapport réalisé par un cabinet d'audit privé.
Elaboré à l'issue d'une consultation menée sur le site de l'Ecole nationale supérieure de l'éducation (ESEN) auprès de 3 500 enseignants et proviseurs, le rapport conclut que l'évaluation actuelle n'est pas satisfaisante. Pour 39 % des personnes interrogées par Alixio, son premier défaut est de ne pas prendre en compte toutes les facettes du métier. Pour 40 % des enseignants qui ont répondu, le système de notation ne permet pas de valoriser ceux qui le méritent.
Aujourd'hui, les enseignants sont évalués par leur chef d'établissement et par un inspecteur. Et le rituel est très codé. Principal du collège Camille-Claudel à Villepinte (Seine-Saint-Denis), Christian Glomeron l'a mesuré plusieurs fois. "Récemment, j'ai évalué un jeune enseignant. Excellent prof. Je lui fais des compliments et lui mets 34 points, sachant qu'un jeune enseignant est noté de 33 à 35 points et que sa note administrative culminera à 40 à l'apogée de sa carrière. L'enseignant me demande pourquoi, compte tenu de mes commentaires louangeurs, je ne le mets pas d'emblée plus haut", rapporte le chef d'établissement, qui finit par lui mettre une note supérieure à celle qu'on met d'ordinaire en début de carrière. En vain, le point supplémentaire ne donne pas au jeune prof la reconnaissance qu'il attendait.
Aujourd'hui, la note d'origine décide de la progression de rémunération de toute la carrière. Un calcul syndical, antérieur à la flambée immobilière, voulait que la différence au bout de quarante ans équivaille à l'achat d'une petite maison de campagne (100 000 euros).
Une brèche
Fort de ces incohérences, doublées du fait que le système de notation des fonctionnaires doit être revu pour 2012, Luc Chatel a mené sa consultation. Pour 65 % des enseignants interrogés par Alixio, la capacité à gérer la classe doit être évaluée, pour 61 % la capacité à faire réussir et progresser les élèves, pour 44 %, la mesure de la passion et du dynamisme et aussi la capacité à innover et être créatif.
Ailleurs à l'étranger, "les enseignants sont déjà évalués sur leur façon de travailler dans les classes, leur capacité à améliorer la performance des élèves, à innover et le développement professionnel qu'ils suivent", rappelle Eric Charbonnier de l'OCDE. L'expert fait remarquer que les pays les plus performants sont aussi ceux qui évaluent régulièrement leurs professeurs.
Luc Chatel aborde le sujet de façon très prudente. D'abord, il intègre les données d'un cabinet d'audit qui va dans le sens des souhaits ministériels. Mais il pourra toujours, si le sujet de l'évaluation au mérite, qui sous-tend le dossier, suscite un tollé, préciser que ces conclusions n'engagent pas ses services... Ensuite, en évaluant l'enseignant non plus globalement, mais sur une série de tâches différentes, il pourrait entrouvrir une brèche dans le décret de 1950 qui définit le statut des enseignants. Une fois que ce verrou aura sauté, le métier pourra être redéfini.
Maryline Baumard Article paru dans l'édition du Monde du 08.06.11